Catégorie : LA REDACTION

Corriger votre manuscrit de thèse efficacement – huit astuces

Corriger le manuscrit de thèse

Vous voulez corriger votre manuscrit de thèse, mais vous ne savez pas comment?

Dans cet article, je vous explique comment procéder efficacement pour bien corriger sans gaspiller de temps.

Je vous explique : 

  • les erreurs à éviter quand vous corrigez votre manuscrit.
  • Pourquoi il est indispensable de prendre du recul
  • Les inconvénients du travail sur écran
  • Comment vous organiser afin que votre concentration reste bonne
  • Comment obtenir des retours efficaces de vos relecteurs.

La condition sine qua non pour corriger correctement votre manuscrit de thèse

Gertrude a l’habitude de procéder aux corrections immédiatement après avoir fini son texte.

Résultat : elle ne voit pas certains problèmes.

Elle ne voit pas par exemple que le nom auquel se rapporte un pronom donné se trouve trois pages en amont – et qu’entretemps cinq autres noms apparaissent, qui pourraient très bien correspondre à ce pronom.

Voulez-vous connaître la condition sine qua non pour une correction efficace?

La voici.

C’est la distance.

Il faut absolument pouvoir prendre de la distance par rapport à son texte pour pouvoir le lire avec un regard étranger.

Sinon, vous risquez de ne pas voir certains problèmes – tel celui de Gertrude avec ses pronoms.

Alors qu’avec du recul, ils vous sautent aux yeux.

Ou bien parfois, on écrit des choses sous le coup de l’émotion (certes, une thèse se doit d’être dépouillée d’émotions, mais derrière la thèse il y a un humain doté de chair, de sang et d’émotions).

On peut être en colère contre un auteur sur lequel on travaille.

On peut avoir peur de ce qu’on avance – ou n’ose avancer.

Quoi qu’il en soit, émotions et rédaction peuvent constituer un cocktail explosif.

Se relire à quelques jours d’intervalle aide à prendre du recul, aussi, par rapport à cette émotion et à lui donner une forme accessible au lecteur.

Donc, mon conseil : évitez de corriger votre texte tout de suite après l’avoir écrit.

Laissez passer du temps, une bonne nuit au minimum, plus si possible, avant d’entreprendre les corrections.

Pourquoi corriger son manuscrit à l’écran est souvent inefficace

Gertrude travaille uniquement sur l’ordinateur.

Elle refuse d’imprimer son texte.

Elle refuse de gaspiller du papier.

Mais elle a beau passer des heures à corriger son manuscrit, quand elle l’imprime, elle n’en croit pas ses yeux.

Des erreurs lui sautent aux yeux, qu’elle n’avait pas seulement vues à l’écran.

Pourquoi ne les voit-elle pas sur l’écran?

Voici cinq raisons.

La lecture d’un texte sur écran est plus fatigante pour les yeux que sur le papier

La lumière qui se réverbère sur le papier est moins intense que celle de l’écran.

Or des yeux fatigués verront plus difficilement des erreurs.

Et en cas de fatigue, l’envie de corriger ou de procéder à des modifications importantes sera réduite.

Une bonne vision d’ensemble est indispensable pour corriger

Quelle que soit la taille de votre écran, vous ne voyez jamais qu’un segment du texte.

Les va-et-vient sont vite ennuyeux voire épuisants.

Pire, ils empêchent une bonne vue d’ensemble, indispensable pour corriger un texte volumineux tel qu’un manuscrit de thèse.

Sur la version imprimée, vous pouvez constater plus rapidement si vous n’avez pas écrit deux fois le même passage, ou si tel paragraphe en page 15 ne serait pas plus pertinent en page 3, par exemple.

Le travail sur papier facilite la concentration

Enfin, la correction sur papier peut favoriser la concentration : sans parler des notifications et autres sources de distraction, les correcteurs qui soulignent voire modifient un mot peuvent vous distraire.

Les possibilités de chercher rapidement (rapidement?) un synonyme sur un dictionnaire en ligne peut vous faire amener à chercher encore et encore LE bon terme;

Quand vous ne cliquez pas simplement – inopinément – sur une publicité.

Les limites du papier vous obligent (et vous aident) à vous concentrer sur l’essentiel.

L’intelligence corporelle est impossible sur l’écran

Certaines personnes réfléchissent mieux quand elles peuvent mobiliser d’autres sens que la vue, et notamment le toucher. 

Si, pour vous, il est indispensable de pouvoir toucher le papier, manipuler des stylos, pour réfléchir correctement, vous forcer à faire les corrections sur l’ordinateur va vous rendre la tâche plus difficile.

Seule la lecture sur papier offre une expérience tactile et physique.

Vous n’avez pas envie de gaspiller du papier pour corriger votre texte?

Si vous n’avez pas envie de gaspiller du papier, utilisez du papier brouillon.

Vous n’avez besoin que du verso.

Les universités et autres administrations produisent du papier brouillon en grandes quantités.

Pourquoi ne pas le recycler pour les corriger votre thèse?

Formatez votre texte pour pouvoir le corriger

Oui mais sur l’ordinateur, je peux ajouter, supprimer, changer de place plus facilement que sur papier! m’objecte Gertrude.

C’est vrai.

Et c’est là aussi que se trouve le danger.

Car l’ordinateur est fabuleux.

On peut passer des heures à fignoler une phrase.

A déplacer un mot, une phrase, un paragraphe.

A chercher le synonyme le plus parlant.

Bref, le problème de Gertrude, c’est qu’elle tombe vite dans le piège des modifications d’ordre esthétique, qui ne sont nullement des corrections.

Finalement, elle perd son temps, sans que les corrections n’avancent.

Les contraintes qu’impose le travail sur papier ont aussi des bénéfices.

Pour pouvoir noter vos corrections (et uniquement les corrections), voici quatre conseils.

  1. Laissez une marge de quelques 5 cm, où vous pourrez apporter vos corrections à la main.
  2. Ecrivez en double interligne, afin de pouvoir inscrire des modifications entre les lignes.
  3. N’imprimez que le recto des feuilles.
  4. Numérotez les feuilles (c’est indispensable pour éviter le chaos si elles venaient à se mélanger!).

L’intérêt des couleurs vives pour corriger

Gertrude note toutes ses corrections au crayon noir.

Tu comprends, il faut que je puisse gommer, si je change d’avis.

Résultat?

Beaucoup de corrections sont peu visibles.

Elle ne les voit pas lorsqu’elle entre les modifications dans l’ordinateur.

Il faut que vos corrections soient visibles.

Or, s’il est une couleur visible sur des feuilles blanches, c’est bien le rouge.

Si cette couleur vous rebute, alors choisissez-en une autre.

En tous cas, corrigez avec un stylo, et un stylo de couleur voyante : il faut pouvoir repérer les corrections lorsque vous les saisirez.

Et afin de n’en oublier aucune, faites un trait vertical dans la marge, sur la même ligne, pour chaque correction que vous apporterez au texte,

Une correction, un trait vertical.

Ainsi vous n’en oublierez aucune lorsque vous recopierez votre texte au propre.

Faites confiance à votre intuition

Voilà des heures que je passe sur ce paragraphe! s’écrie Gertrude. Je sais qu’il n’est pas bon, mais je ne vois pas du tout comment l’améliorer. Je bloque, je n’en peux plus!

Comment faire dans un cas comme ça?

En tous les cas, si un passage vous déplaît, prenez ce sentiment au sérieux : il déplaira sans doute aussi à votre lecteur.

Si vous ne voyez pas comment l’améliorer sur-le-champ, voici ce que vous pouvez faire :

  • Marquez le passage avec une certaine couleur, autre que celle réservée aux corrections.
  • Si besoin, écrivez ce qui vous déplaît dans ce passage.
  • Laissez reposer.
  • Revenez au texte plus tard.

Même si vous ne trouvez pas de meilleure formulation au premier abord. Ce qui est important, c’est que vous ayez repéré le problème. Une solution s’imposera d’elle-même bientôt.

Ce qui échappe à l’œil n’échappe pas à l’oreille

Gédéon pensait avoir correctement corrigé son manuscrit.

Et pourtant, quand son amie lui a lu à haute voix un passage qu’elle trouvait particulièrement problématique , il a senti sa tête tourner.

Tout ce travail pour ça? s’est-il écrié au bord des larmes.

Voici une astuce imparable pour découvrir dans votre texte des passages ennuyeux, banals ou difficiles à comprendre.

Relisez-vous à haute voix.

Vous repèrerez immédiatement des redites, des phrases trop longues voire incompréhensibles, des manques ou des platitudes – par exemple.

Peut-être n’aurez-vous pas envie de relire toute votre thèse à haute voix – rassurez-vous : ce n’est pas nécessaire.

Mais pour les passages importants, et particulièrement les passages difficiles, prenez le temps de ce faire.

Le résultat vous surprendra :

  • vous repérerez mieux les erreurs, répétitions, fautes grammaticales, constructions compliquées, mots oubliés;
  • vous percevrez plus facilement si votre style est trop monotone, s’il est lourd ou s’il a besoin d’être aéré.

Une règle d’or à respecter : ce qui grince à l’oreille doit être corrigé.

Une remarque : si vous voulez que l’expérience soit encore plus percutante, faites comme Gédéon – demandez à quelqu’un de vous lire votre texte à haute voix.

Attention, ça peut faire mal – mais c’est efficace.

Demandez une aide concrète pour corriger votre manuscrit de thèse

Gertrude est hors d’elle.

Elle a demandé à son collègue Gégé de lire son texte et de lui faire un retour.

Gégé lui a fait le genre de retour qu’il fait à ses étudiants :

  • Pas clair.
  • Vraiment???!!!
  • ??!!!
  • A refaire.

Et autres commentaires du même acabit.

Pas plus que les étudiants de Gégé, Gertrude ne sait ce qu’elle doit faire de tous ces commentaires :

  • qu’est-ce qui n’est pas clair?
  • Que doit-elle refaire?
  • Comment?
  • Qu’est-ce qui est incompréhensible?
  • Ou simplement mal dit?
  • Et ces ??!!!, ça veut dire quoi?

Elle est furieuse.

Pour ne pas tomber dans ce genre de piège, qui empoisonne fatalement une relation sans vous aider pour autant, voici un principe à garder en mémoire.

Si vous voulez donner votre texte à lire à un tiers, ce qui peut être une bonne idée, assurez-vous que ce quelqu’un est en mesure de vous faire un retour constructif.

S’il n’a pas beaucoup d’expérience, faites-lui une liste de ce que vous attendez.

En effet, sans directives, la personne risque fort de s’intéresser à ce qui la frappe elle personnellement, mais qui est pour vous secondaire.

Par exemple, elle peut vouloir discuter du choix des mots alors que vous voulez savoir si votre argumentation tient la route.

Dans la mesure du possible, assurez-vous que la personne est qualifiée pour vous faire le genre de retours qui vous aideront.

Si vous n’avez jamais travaillé avec elle, commencez par lui donner une ou deux pages afin de la tester.

Ainsi, si vous constatez qu’elle ne peut pas vous aider, vous aurez économisé votre temps – et le sien.

Alternance vs. ennui

Gédéon est le champion de l’organisation.

Du moins c’est ce qu’on dit de lui.

Il a décidé de corriger son texte jusqu’au bout.

Et d’entrer les corrections ensuite.

Bizarrement, il peine à se motiver.

Il a eu beaucoup de mal à finir ses corrections dans les temps qu’ils s’était impartis.

Mais pour entrer les corrections, c’est encore pire : un rien le distrait, il doit s’y reprendre à plusieurs fois car il constate avoir oublié certaines lignes.

Ce qui s’annonçait comme un travail facile se révèle fastidieux et laborieux.

Quelle est l’erreur que commet Gédéon?

Il tombe dans le piège de la monotonie.

Il fait la même chose de longues heures durant.

Comment avoir seulement envie de se lever le matin quand on sait qu’on va passer sa journée à saisir des corrections?

Comment éviter le piège de la monotonie?

C’est tout simple : évitez de corriger, par exemple,  100 pages d’une traite pour saisir les corrections desdites 100 pages un autre jour.

Alternez plutôt des séances brèves de corrections avec des séances de saisie. A ceci, quatre raisons :

  1. l’esprit s’ennuie lorsqu’il ne fait qu’une seule activité trop longtemps : votre concentration risque de diminuer;
  2. si votre concentration diminue, vous oublierez probablement de saisir certaines corrections;
  3. si vous attendez trop longtemps avant de saisir vos corrections, vous risquez d’oublier ce que vous vouliez faire;
  4. c’est pendant que vous travaillez sur un texte, que vous êtes « dans le bain », que votre esprit continue à réfléchir – et donc que vous saurez le mieux ce que vous faites – et pourquoi vous le faites.

Il y a d’ailleurs une technique de gestion du temps qui pourra vous aider à alterner des blocs de correction et des blocs de saisie des corrections : le time boxing.

Pour conclure

Il est rare de trouver un texte sans coquille.

Donc rassurez-vous : vous en aurez toujours, et vous trouverez toujours quelqu’un qui en repèrera une.

Vous pouvez vous aider d’un correcteur d’orthographe – en voici le palmarès 2023 pour trouver ce qui vous convient le mieux.

Cependant, corriger votre manuscrit de thèse va bien au-delà d’une simple correction orthographique.

Il faut que votre raisonnement soit logique, que vos phrases soient compréhensibles, et que votre lecteur puisse vous suivre aisément.

Ce travail requiert du temps et de la disponibilité intellectuelle.

Et c’est dommage de renoncer à cette phase parce qu’on rédige dans l’urgence.

D’ailleurs, en ce qui concerne le travail dans l’urgence, je vous invite à (re)lire La Thèse, le Lièvre et la Tortue – ou pourquoi attendre le dernier moment est toujours dangereux.

Cette phase de correction est primordiale : c’est grâce à elle que vous réussirez à mettre en valeur vos idées, à mettre du relief dans votre texte, à donner à votre public cible l’envie de vous lire et d’apprendre de vous.

Non, une thèse, ce n’est pas juste une liste de résultats, ou une liste de citations. C’est un écrin qui vise à mettre en valeur vos pépites.

Prenez le temps de les rendre visibles!

P.S.: Vous vous préparez à rédiger votre thèse? Partez du bon pied en rejoignant mon programme d’accompagnement Du chaos des idées à la thèse réussie!

Emotions & rédaction de thèse : un cocktail

emotions quand on rédige sa thèse

Quand on est passionné par son sujet, on est forcément habité par des émotions. Ces émotions peuvent faire fonction de catalyseur; elles peuvent aussi perturber le discours quand on rédige. Car comment rédiger un texte structuré quand le contenu provoque des émotions qui empêchent de penser posément ? Les émotions pendant la rédaction de la thèse – et si on en parlait ?

Quand l’émotion détraque le texte

Le texte de Gertrude est limpide – c’est le 2ème chapitre de sa thèse.

Et soudain, une phrase incompréhensible – 81 mots, 5 idées non finies qui s’enchaînent de manière décousue, un amoncellement de termes dont on se demande ce qu’ils peuvent bien vouloir dire.

– Mais qu’est-ce que tu veux dire ici, Gertrude ?

Gertrude s’énerve. Elle, si calme d’habitude, parle très vite, enchaîne les phrases sans respirer, sautant du coq à l’âne.

– Qu’est-ce qui t’arrive, Gertrude ? Pourquoi est-ce que tu t’échauffes comme ça ? Je ne comprends rien !

– C’est que je pense à Gégé – tu sais, le collègue Grande Gueule, le chouchou de la Directrice.

– Oui.

– Lors du dernier colloque, Gégé m’a agressée quand j’ai affirmé qu’il y avait une contradiction entre ce qu’écrit son auteur à lui,  et ce que je constate sur le terrain. Il m’est rentrée dedans et m’a reproché mon manque de sérieux. Mon manque de sérieux, à moi, tu te rends compte ?

– C’est à Gégé que tu pensais en écrivant cette phrase ?

– Oui. Je réponds à toutes ses critiques.

– Et ces critiques, elles sont où?

– Heu… dans ma tête.

– Et tu crois qu’on peut comprendre ce que tu écris si on ne sait pas à quelles critiques tu réponds? ?

– Pfff…

Le marteau et l’émotion – ou comment se saborder

Gertrude est en colère contre les critiques de Gégé et a sans doute peur d’être la cible d’autres attaques du même acabit.

Alors, elle dégaine avant même qu’on ne l’attaque, avec la violence de sa colère.

Cette expérience me rappelle l’histoire du marteau  de Paul Watzlawick dans Faites vous-même votre malheur, et que voici.

Un homme veut accrocher un tableau chez lui.

Il a bien un clou, mais pas de marteau.

Il décide donc d’emprunter son marteau à son voisin.

Tandis qu’il se dirige vers la maison du voisin, le voilà qui réfléchit et se fait peur : et si le voisin refusait de me prêter son marteau ?

Il se rappelle que la veille, ledit voisin avait répondu à son salut d’un vague signe de tête.

Peut-être était-il pressé – mais peut-être faisait-il juste semblant d’être pressé pour ne pas vraiment dire bonjour.

Et notre homme de se demander pourquoi l’autre ferait semblant d’être pressé.

Peut-être parce qu’il ne l’aime pas ?

Et de se demander alors pourquoi son voisin ne l’aimerait pas, alors qu’il ne lui a jamais manqué de respect.

Et de faire la comparaison : moi, si quelqu’un voulait m’emprunter son marteau, je le lui prêterais sans problème.

Et de s’exalter : pourquoi donc refuse-t-il de me prêter son marteau, hein ?

Et plus il avance, plus il se monte la tête contre son voisin.

« Il s’imagine sans doute que j’ai besoin de lui.
Tout ça, parce que Môssieu possède un marteau !
Je m’en vais lui dire ma façon de penser, moi !
Et voici notre homme, qui se précipite chez le voisin, sonne à la porte et, sans laisser le temps de dire un mot au malheureux qui lui ouvre la porte, s’écrie, furibond :
 » Eh bien gardez-le, votre sale marteau, espèce de malotrus ! « .

Petite caricature de cette propension de l’humain à projeter ses peurs et ses colères sur autrui, et d’agir sans prendre soin de les vérifier.

Dans le cas de Gertrude, elle projette dans son lecteur ses peurs et ses colères, elle imagine les mille et une critiques qu’il pourra lui faire.

Elle pourrait les écrire pour y répondre ensuite en argumentant pas à pas, sur le ton souverain de l’expert qui maitirise son sujet; au lieu de quoi, elle attaque en retour sans que le lecteur sache de quoi il en retourne.

Alors, on ne comprend rien au discours de Gertrude.

Et c’est dommage – dommage pour Gertrude et son admirable travail.

Le texte scientifique est dépouillé d’émotions – vraiment ?

Depuis ce dialogue avec Gertrude lors d’une séance de coaching,  j’appréhende différemment les passages incompréhensibles dans un texte scientifique.

Je ne me dis plus, comme lorsque j’étais étudiante : oh, je n’y comprends rien, ce doit être profond !

Je me demande plutôt ce qui se cache entre les lignes – et comme j’ai la chance énorme de travailler avec des auteurs, je peux les interroger sur ces passages.

Souvent, de l’autre côté du texte, il y a une émotion.

Souvent, un passage incompréhensible cache (ou dévoile?) une émotion forte.

Car même si un texte scientifique se doit d’être dépouillé d’émotions, son auteur, lui, est fait de chair, de sang – et d’émotions !

Et ces émotions, particulièrement la peur et la colère, lorsqu’elles sont mal traitées ou pas traitées du tout, transpirent dans le texte, voire en prennent possession – à l’insu même de l’auteur.

Par exemple, on répond  à une critique en omettant d’abord de la présenter.

Les choses se corsent quand l’auteur imagine toute une discussion avec son détracteur, accumule des preuves, voire des attaques, dans un chaos émotionnel qui l’empêche de réfléchir.

Car l’émotion est mimétique : la réaction incontrôlée qu’elle provoque se prolonge dans la manière dont on y répond – ici, des propos non fondés qui donnent un texte passionnel non argumenté.

Alors, généralement, les phrases deviennent très longues, compliquées – un dialogue – ou plutôt une dispute – interne, chaotique et inintéressant se puisque incompréhensible.

Pour un lecteur inexpérimenté, la non-compréhensibilité du texte est la preuve de sa profondeur.

D’ailleurs, il en est qui pensent qu’il faut mal écrire et maltraiter son lecteur pour briller.

Mais quand on a un peu côtoyé les auteurs de l’autre côté du miroir, quand on connaît leurs peurs et leurs colères, alors on les retrouve entre les lignes.

Mais ces émotions, qui en parle dans les formations doctorales ?

Halte au bluff!

Certes, une thèse se doit d’être dépouillée d’émotions.

Mais le processus de rédaction n’est pas, lui, sans émotion.

Or ce n’est pas en refoulant vos émotions que votre texte sera, comme on dit, objectif (terme qui demande à être défini, mais ce n’est pas le propos ici).

C’est en travaillant avec, et tout d’abord en en prenant conscience, que vous pourrez exploiter leur richesse pour rendre accessible ce que vous ressentez à d’autres, à vos lecteurs – le leur rendre accessible de manière rationnelle.

Il ne s’agit aucunement d’écrire sous le coup de l’émotion – mais de donner forme aux émotions, en les transformant en un discours cohérent et construit.

Alors l’émotion prend forme.

Alors le discours peut devenir puissant.

Sinon, si l’émotion est niée, voire refoulée, on est en train de bluffer.

Et tant qu’il y a du bluff, on ne peut pas se sentir à l’aise, car on a peur d’être découvert – ce qui ne peut que renforcer le syndrome de l’imposteur.

Car, si je me cache, si je cache que j’ai peur, si je bluffe pour cacher que j’ai peur, comment voulez-vous que je me sente légitime?

Halte au bluff!

Donnons leur place aux émotions en thèse (pas dans la thèse, mais dans sa préparation)!

Emotions et rédaction peuvent faire un cocktail explosif qui va détraquer le propos et amoindrir la qualité de la thèse.

Emotions et rédaction peuvent aussi, dès lors que les émotions sont traitées consciemment, produire un cocktail puissant pour une argumentation puissante.

PS. Si vous écrivez votre thèse « avec vos tripes «  mais que ça fait trop mal, alors rejoignez mon programme d’accompagnement Du chaos des idées à la thèse réussie.  Vous y apprendrez à transformer vos émotions en un discours construit et convaincant. Pour rédiger une thèse engagée et originale.

Angoisse de la page blanche & rédaction de thèse : un tabou à la fac

Angoisse de la page blanche et rédaction de thèse

N’est-il pas paradoxal d’exiger d’un doctorant la rédaction d’une thèse sans qu’on lui explique comment faire? Cette impréparation conduit à des blocages d’autant plus douloureux qu’ils sont frappés de tabou. Car si l’écrit occupe une place centrale en doctorat, on n’en parle pas.

L’angoisse de la page blanche : par où commencer?

Dans certaines disciplines, on s’entraîne à faire des dissertations, généralement en vue des concours – mais ces dissertations ne préparent pas à la rédaction d’une thèse (du reste, même quand on apprend à faire une dissert’, on n’apprend pas comment gérer l’angoisse de la page blanche.)

Il y a bien quelques formations doctorales où on apprend à formater un texte avec tel ou tel logiciel, ou des exposés sur la structure d’une thèse – mais le plus important, le comment commencer… ça, personne n’en parle.

Or, c’est le commencement qui est, généralement, le plus dur.

D’où l’impression de Gertrude de ne pas être à la hauteur.

Une ingénieure fait sa thèse

Après dix année d’exercice en tant que qu’ingénieure hydraulique, Gertrude a décidé de faire une thèse.

Elle qui n’a jamais eu de problèmes à rédiger des rapports conséquents se trouve soudain bloquée.

Pourtant, la trame de son texte est prête dans la tête… mais les critiques internes interrompent le flux de ses pensées – tu ne peux pas écrire ça ! Untel va se moquer de toi !

Elle qui est si efficace sous pression constate que l’approche de la date butoir l’angoisse et la paralyse au lieu de la stimuler.

Elle a certes tenté la discipline et un emploi du temps méticuleux, stratégie payante lors de ses études – mais rien n’y fait : Gertrude n’arrive pas à rédiger.

Ils vont voir que je ne suis pas à la hauteur

Gertrude souffre en silence.

Car on lui a appris à ne pas parler de ses problèmes – avouer qu’on a des problèmes, lui a-t-on dit, c’est faire aveu de faiblesse.

Surtout à l’université.

Surtout en thèse.

Il ne faut pas qu’on voie que je ne suis pas à la hauteur. Déjà que je pose plein de questions, parce que je ne vois pas le lien entre la théorie et mon terrain, alors si en plus je leur dis que je n’arrive pas à rédiger…

Elle vois les autres progresser. Elle, rien.

Ecrivez, écrivez, ça finira bien par sortir, lui dit son directeur.

Hélas, « ça » ne sort pas. Et le peu qui sort, elle l’efface, tellement elle trouve ça brouillon.

Et le temps passe.

Et plus ça va, plus Gertrude se persuade de son incompétence.

L’angoisse de la page blanche fait partie du doctorat

L’angoisse de la page blanche – ou de l’écran vide – dit un état, plus ou moins long, où l’on est incapable d’écrire – et parfois même de penser.

En thèse, ce phénomène est des plus normaux.

Comment en serait-il autrement ?

Outre le fait qu’on ne lui a pas expliqué comment faire, et que c’est la première fois qu’elle doit rédiger une thèse, Gertrude fait face à…

  • Une énorme collection de données à traiter…
  • Des fiches de lecture plus ou moins bien prises…
  • Des transcriptions d’entretiens qui disent finalement moins que ce qu’elle espérait…
  • Un chaos mental qu’elle ne se connaît pas…
  • Et un manque total de méthodologie.

A quoi se mélangent des émotions très fortes …

  • La peur d’échouer…
  • La pression alentour…
  • Le doute quant à la validité de ses conclusions…
  • La peur d’être passée à côté d’une information importante…
  • Son perfectionnisme…
  • La peur de décevoir son entourage…
  • La honte de ne pas y arriver …

Bref, Gertrude passe des nuits blanches à se demander comment elle va s’en sortir…

Penser à autre chose lui est impossible.

Mais rédiger sa thèse lui est tout aussi impossible.

Pour une battante comme Gertrude, habituée à réussir à la force du poignet, la situation est incompréhensible.

Insupportable.

L’angoisse de la page blanche : un tabou dont tous pâtissent

L’écrit occupe une place centrale dans le parcours doctoral.

Et pourtant on n’en parle pas – ou si peu.

On ne l’enseigne pas.

A croire que rédiger une thèse serait une capacité innée.

Tout se passe comme si on vous demandait d’atteindre le sommet sans vous montrer comment y accéder – débrouillez-vous.

Gertrude pensait que son directeur la conseillerait pour la rédaction de la thèse proprement dite.

Alors, elle vit ce manque d’aide comme une défection.

Mais elle ignore une chose essentielle : son directeur de thèse lui-même est désemparé.

Un paradoxe source de malentendus

Certes, sont directeur a rédigé une thèse – mais dans la douleur et le chaos.

S’il a su la diriger sur le plan scientifique, et l’orienter, et la soutenir, il ne sait pas l’aider pour la rédaction.

Car un directeur de thèse n’est pas un professeur de rédaction.

Sa doctorante est censée savoir rédiger une thèse.

Et c’est là où le bât blesse : où Gertrude est-elle censée avoir appris à rédiger une thèse?

Gertrude attend de son DT qu’il lui dise comment faire – or lui attend d’elle qu’elle sache comment faire.

N’y a-t-il pas un paradoxe?

Ecrivez, écrivez, ça finira bien par sortir, lui répète-t-il gentiment.

Elle ne sait pas qu’il aimerait bien l’aider, mais qu’il ne sait pas comment.

Elle ne sait pas que lui aussi souffre quand il s’agit de rédiger ses articles.

Qu’il a des maux d’estomac atroces quand il doit rédiger.

Qu’il aimerait bien qu’on lui dise par où commencer.

Comment structurer ses idées.

Comment faire taire ce critique intérieur qui le tétanise.

Bref, son directeur de thèse ne lui a jamais dit que rédiger un texte sur un sujet complexe est une gageure.

Car lui aussi, tout HDR et directeur de thèse qu’il est, pâtit du tabou dont est frappé l’écrit à l’université.

Comment avouer à ses collègues qu’il est bloqué face à son écran vide ?

Qu’il n’en dort pas la nuit ?

Qu’il efface cent fois ce qu’il écrit ?

Que l’angoisse de la page blanche lui pourrit la vie ?

Enfonçons une porte ouverte : savoir rédiger une thèse n’est pas inné

Alors qu’il est évident qu’un étudiant en art plastique suive des cours de sculpture, sculpte encore et encore, apprenne de ses erreurs, il est presque mal vu de voir un étudiant, a fortiori un doctorant, prendre des cours d’écriture.

Nos doctorants savent écrire, Madame ! m’a-ton souvent répondu sur un ton indigné lorsque je proposais mes ateliers d’écriture à des formations doctorales.

Bien sûr qu’ils savent écrire, mais rédiger une thèse requiert un petit peu plus de compétences – non ?

A croire que les compétences rédactionnelles sont innées – à moins que l’on ne considère que les quelques dissertations faites au lycée suffisent à savoir rédiger une thèse.

Le problème de l’écriture, c’est que chacun bricole comme il peut, apprend sur le tas à force de tâtonnements.

Mon angoisse de la page blanche à moi

J’étais confrontée à une incapacité d’écrire pendant plusieurs mois quand j’ai voulu commencer à rédiger ma thèse.

C’est au détour d’une lettre que m’écrivait mon directeur que s’est fait le déclic.

Excusez-moi d’avoir tant tardé à vous écrire. Je travaillais sur un livre et j’étais confronté aux joies et aux douleurs de l’écriture, m’écrivait-il.

Mon DT, confronté aux douleurs de l’écriture? Lui qui écrit si bien? Qui a publié tant de livres?

Cette phrase m’a amenée à enquêter auprès de moi.

Et c’est là que j’ai découvert qu’au moment d’écrire, tout le monde souffre.

Même les auteurs les plus chevronnés.

Alors j’ai compris que mon problème avait un nom : angoisse de la page blanche.

J’ai appris que l’angoisse de la page blanche est normale : elle fait partie du processus de la rédaction.

J’ai aussi découvert qu’il y avait des ateliers d’écriture scientifique à la Technische Universität de Berlin, que je fréquentais à l’époque.

J’y ai découvert des techniques d’écriture, des stratégies efficaces – et les erreurs à éviter.

J’ai aussi compris que mieux on prépare la rédaction en amont, plus aisée elle sera – le contraire est vrai aussi : moins on prépare la rédaction en amont, plus elle sera chaotique et douloureuse.

Que l’on me donne six heures pour couper un arbre, j’en passerai quatre à préparer ma hache.

Abraham Lincoln

C’est grâce à elles que j’ai pu finir ma thèse rapidement – et sans plus connaître de blocage.

A la suite de cet atelier à la T.U., je me suis demandé ce que me demandent les participants à la fin de mes propres ateliers d’écriture : mais pourquoi ne m’a-t-on jamais enseigné tout ça à la fac ?

Je cherche toujours la réponse.

L’angoisse de la page blanche – et si on en parlait?

L’angoisse de la page blanche fait partie du doctorat – comme la direction de thèse, le manuscrit et la soutenance.

Elle est tabou? Brisons-le!

Le meilleur moyen de briser un tabou? En parler !

Vous pâtissez de l’angoisse de la page blanche ?

Parlez-en autour de vous ! Vous verrez que d’autres autour de vous savent bien de quoi vous parlez, et que ce phénomène est tout à fait normal.

Vous croyez que parler de vos difficultés est une preuve d’incompétence ?

Mais alors, comment voulez-vous progresser ?

C’est en identifiant vos difficultés, en les nommant, que vous pourrez trouver des solutions – pas en les cachant.

C’est en parlant de vos difficultés que vous trouverez des personnes en mesure de vous donner des solutions – à quoi bon vouloir réinventer la roue dans votre coin?

Vous croyez que ce qui sort sous votre plume (ou votre clavier) devrait être parfait d’emblée ?

Erreur! Les idées viennent rarement toutes faites, toutes prêtes, structurées et limpides.

Une idée a besoin de temps et d’espace pour se construire. Rendez-la visible pour pouvoir travailler dessus, c’est la première des choses à faire.

Soyez bien conscient que la rédaction est un processus – vouloir faire toutes les phases en même temps, ou les aborder dans le désordre, provoque immanquablement des blocages et l’angoisse de la page blanche.

Demandez qu’on vous montre comment faire

Mais surtout, prenez le temps de bien préparer votre texte en amont : écrire, écrire, écrire, dans l’espoir que « ça sorte », c’est perdre beaucoup de temps pour, souvent, un résultat bien maigre.

Autant dire à quelqu’un qui ne sait pas nager : barbotez, barbotez, vous finirez bien par apprendre à nager.

Ne vaut-il pas mieux lui montrer comment faire pour se déplacer dans l’eau par des mouvements appropriés ?

P.S. : Vous vous préparez à rédiger votre thèse ? Rejoignez ma formation Du chaos des idées à la thèse réussie !