Avoir beaucoup de temps pour rédiger sa thèse… Le rêve de beaucoup… Un piège, pourtant, car une échéance trop lointaine peut conduire à… perdre du temps. Cet article vous explique pourquoi.
Gédéon s’est donné un an pour rédiger sa thèse
Tout semblait bien s’annoncer : Gédéon, doctorant en 5ème année d’histoire, avait un an pour finir sa thèse. Pour mettre toutes les chances de son côté, il a décidé de prendre une année sabbatique. Ses économies lui permettraient largement de tenir douze mois.
Pour avoir un maximum de temps, il a annulé tous ses rendez-vous pour l’année : il a quitté la chorale et cessé de jouer au foot.
Maintenant, il avait toute une année à consacrer entièrement à sa thèse.
L’échéance semblait si loin qu’il était détendu – très détendu.
Le premier mois, il a d’abord voulu profiter de cette incroyable liberté.
Le deuxième, il a cherché son rythme : suis-je plutôt du matin ? Du soir ?
Il ne savait pas comment aborder sa thèse. Par où commencer la rédaction ? Comment traiter la masse d’informations accumulées ? Comment rédiger un texte personnel tout en intégrant les spécialistes de la question ?
Chaque décision était remplacée le lendemain par une autre. Le travail n’avançait pas. Gédéon se mit à déprimer. Il engloutissait des tablettes de chocolat, des chips, des sodas – en 6 mois il avait pris 10 kilos.
Il se sentait épuisé de ne rien faire de productif et dormait beaucoup – mais mal. Toute action prenait des dimensions incommensurables.
Au 10ème mois, comprenant que l’échéance était toute proche – il n’avait plus que 8 semaines pour rendre sa thèse – Gédéon se mit au travail. Dans un chaos total, il s’est mis à écrire, jour et nuit, sans presque plus dormir ni manger.
Il n’avait pas le temps de se relire.
Son frère corrigeait ce qu’il pouvait, et a même rédigé la conclusion, tellement Gédéon était en retard.
L’échéance a été tenue, la thèse déposée dans les temps. Un texte de qualité médiocre dont Gédéon avait honte.
Il était en colère contre lui-même, s’en voulant d’avoir ruiné tant d’années de travail consciencieux par manque d’organisation.
Si seulement je m’y étais pris autrement….
Une trop longue échéance est néfaste
Le lièvre et la tortue en sont un témoignage, pour citer La Fontaine : le lièvre, sûr de son avance, flâne jusqu’au dernier moment. Le sprint final ne lui permet pas de rattraper la tortue, qui sort victorieuse de leur pari.
Plus on a de temps devant soi, plus on en prend pour accomplir une tâche. Plus précisément : plus l’échéance est lointaine, plus on a de temps, plus on se laisse distraire… plus on se perd dans des détails inutiles.
Quand au contraire l’échéance est proche, on est généralement d’une efficacité redoutable : on est concentré, on va à l’essentiel – et on finit ce qui traînait depuis des semaines – voire des années.
Pour ma part, je m’étonne toujours de tout ce que réussis à faire le jour précédant un voyage.
Le travail s’étale de façon à occuper le temps disponible pour son achèvement.
Cyril Northcote Parkinson
Avoir une échéance très longue pour rédiger sa thèse n’est pas garantie de succès, au contraire…
- Une échéance lointaine peut vite déboucher sur l’angoisse : il faudra tenir pendant une très longue période, qui s’annonce monotone au vu de ce qu’on veut faire.
- Une échéance lointaine peut donner l’illusion de liberté : la conséquence en est un manque de cadre. Or on a besoin, lorsqu’on rédige sa thèse, d’une journée structurée : des moments de travail, mais aussi des moments de repos ; des moments de solitude, mais aussi des moments d’échange. Gédéon aurait mieux fait de continuer à chanter dans la chorale et à jouer au football. Ces rendez-vous auraient structuré ses journées, le changement d’activité l’aurait détendu, et il en serait rentré chez lui reboosté.
- Une échéance trop lointaine peut déboucher sur l’ennui : il est impossible de se concentrer pendant une année sur une seule activité. Alors on cherche des distractions, sans se les autoriser vraiment. Résultat : procrastination, culpabilité, honte, colère contre soi – rien de constructif à un moment où on a particulièrement besoin d’avoir confiance en soi.
Bref : une tâche prend le temps qu’on lui accorde.
Vous en avez sans doute fait l’expérience : si vous vous donnez deux jours pour ranger votre bureau, il vous faudra deux jours. Si vous vous donnez quinze minutes, il sera rangé en 15 minutes.
Fixez-vous des échéances plus brèves que possible
Ne vous donnez pas trop de temps pour rédiger votre thèse : préférez vous donner une échéance plus courte que celle qui est possible – bien sûr, fixez-vous une échéance réaliste. Si vous n’avez pas fini dans le temps imparti, vous pourrez vous en fixer une nouvelle.
En vous donnant une échéance plus courte,
- vous exploitez le temps disponible davantage que si vous avez trop de temps
- vous travaillez de manière concentrée
- la proximité de la date est sécurisante, contrairement à une date trop éloignée, qui peut angoisser
- si besoin est, vous aurez le temps de vous relire et de peaufiner le texte sans pression
- vous pourrez passer à autre chose le coeur léger une fois le travail terminé.
Deux conseils pour finir
Préférez les échéances moyennes
Ne vous fixez pas des échéances trop éloignées pour effectuer une tâche importante comme la rédaction de votre thèse.
Vous ne serez pas forcément plus efficace. Pire : vous risquez de perdre beaucoup de temps, de l’énergie – et dans le pire des cas, comme le lièvre de la fable, ne pas atteindre le but dans les temps.
Plutôt une échéance moyenne que vous prolongerez si nécessaire qu’une échéance trop longue.
Continuez à profiter de la vie pour recharger vos batteries
Et puis ce n’est pas parce que vous rédigez votre thèse que vous devez renoncer à tout ce qui vous met en joie : continuez à voir vos amis, continuez à profiter de vos moments de loisir – bref, continuez à pratiquer toutes les activités qui rechargent vos batteries!
Facilitez-vous la tâche! Ce n’est pas dans la souffrance que vous êtes au maximum de votre forme, mais dans la joie!
Bonjour Martha,
Merci beaucoup pour cet article très intéressant.
De mon côté, j’ai fait exactement ce qu’il ne fallait pas faire : procrastination, échéance longue, dispersion…
Après bientôt 6 ans de thèse, ne suis face à un mur. Je dois rendre mon manuscrit dans 3 mois. Il me reste encore entre 150 et 200 pages à écrire bien que j’ai toute la trame de ma thèse. J’ai souvent souffert de la page blanche et je me suis mal organisée.
Aujourd’hui j’hésite à abandonner car je ne suis pas certaine de réussir à produire autant en si peu de temps (après avoir été particulièrement lente et fait d’autres choses à côté).
Pensez vous que cela soit possible ? Il est trop tard pour moi pour suivre l’une de vos formations mais je pense que sinon j’aurai très certainement fait appel à vous.
Encore merci à vous !
Bonjour AL,
150 pages en trois mois, soit 90 jours, ça fait une moyenne de 1,6 pages/jour.
200 pages, ça fait environ 2 pages par jour.
Est-ce envisageable?
Pour ma part, j’ai rédigé ma thèse en trois mois. Et je ne suis pas la seule. Donc c’est tout à fait possible, si vous avez du temps à consacrer à la rédaction régulièrement.
En espérant avoir répondu à votre question, je vous salue bien cordialement,
Martha Boeglin