Trente-quatre astuces pour intéresser votre lecteur-cible

Le titre était prometteur. Mais vous avez vite déchanté. Certes le sujet vous intéresse, mais le texte est si indigeste que vous l’abandonnez. Epargnez ce sort à votre texte. Taillez-le pour son lecteur-cible!

Lectrices en colère

Gégé a fini ses deux premiers chapitres. Il les a donnés à sa collègue Gertrude pour relecture. Gertrude qui a passé des heures et des heures à essayer de comprendre trois pages. Sans succès.

Elle avait beau connaître le sujet, pour en avoir discuté avec Gégé depuis des années, elle n’y comprenait rien. Pire : au fur et à mesure qu’elle avançait dans le texte, elle sentait la colère l’envahir : impossible de voir où on va.

Tantôt le texte mentionne dix fois un terme, mais ne le définit que beaucoup plus tard – d’autres termes, quant à eux, ne sont pas du tout définis. Sans parler d’un charabia et de phrases alambiquées qu’il faut relire cinq fois avant de sentir plus que comprendre de quoi il s’agit.

En entendant qu’elle n’avait rien compris à son texte, Gégé sentit la colère l’envahir – et la déception (décidément, je croyais Gertrude plus intelligente que ça, se dit-il). Mais c’est quand sa directrice de thèse lui a renvoyé son texte, en colère elle aussi, qu’il est tombé des nues.

C’est alors qu’il est venu me voir. Quand je lui ai demandé : pour qui écrivez-vous? il a fait les yeux ronds. C’est que Gégé, à aucun moment, n’a eu conscience d’écrire pour un lecteur.

Ecrire pour communiquer

Un texte, dès lors qu’il vise à être lu par d’autres, a pour objectif de communiquer un contenu. Or dans communiquer il y a commun : communiquer, c’est mettre en commun. Autrement dit, vous mettez vos connaissances en commun avec quelqu’un – en l’occurrence, quelqu’un qui vous lit.

Et ce quelqu’un auquel vous vous adressez aura un impact décisif sur la structure de votre texte : vous le structurerez différemment si vous vous adressez à un public de spécialistes ou de non-spécialistes, ou un public partageant votre position ou au contraire que vous voulez convaincre du bien-fondé de votre point de vue.

Un exemple : Sara est une doctorante péruvienne.

Sa thèse porte sur l’apprentissage de la lecture au Pérou. Vous imaginez bien qu’elle ne rédigera pas le même texte pour un lecteur péruvien ou français (par exemple). Le lecteur péruvien est passé par l’école primaire et la connaît bien. Inutile de lui en expliquer le fonctionnement. En revanche, le lecteur français n’en a aucune idée : il lui faut donc des explications.

Vous voyez bien que selon son lectorat, Sara devra structurer son texte différemment. Le lecteur auquel vous vous adressez a un impact sur la manière dont vous structurez votre texte.

Voici douze astuces qui vous aideront à tailler votre texte en fonction du lectorat qu’il cible.

Trente-quatre astuces pour intéresser votre lecteur-cible

Votre lecteur-cible et vous faites partie de la même communauté

Votre lecteur et vous avez des centres d’intérêt similaires. Vous rencontrez les mêmes problèmes. Les mêmes questions vous animent. Vous n’avez pas forcément le même avis sur tout, mais vous tendez vers des buts similaires.

Mettez ce que vous avez en commun noir sur blanc.

  1. Décrivez le problème scientifique qui a motivé votre travail – et qui est sans doute le problème auquel votre lecteur est confronté.
  2. Notez les questions que vous vous posez (et qu’il se pose sans doute aussi).
  3. Anticipez les questions qu’il pourrait vous faire, notez-les, répondez-y.
  4. Anticipez les objections qu’il pourrait émettre, répondez-y.

Bref : parlez-lui dans sa langue.

Votre lecteur-cible cherche quelque chose.

Votre lecteur-cible est comme vous : il a des dizaines de textes à lire. Il faut donc l’aider à trouver rapidement ce qu’il cherche. Un lecteur expérimenté lit avec un objectif de lecture : il cherche quelque chose de précis.

Aussi, aidez votre lecteur à savoir rapidement si ce qu’il cherche est dans votre texte – ou pas :

  1. notez dans le titre les mots-clés que le lecteur cherche – attention : un bon titre se lit – et se comprend – en une fois. Un titre qu’il faut relire dix fois pour le comprendre ne fonctionne pas.
  2. Présentez clairement l’objectif de votre texte (un texte, un objectif SMART).
  3. Dites éventuellement ce que votre texte ne couvre pas- inutile de provoquer de la frustration chez votre lecteur (vous savez combien il est désagréable de lire un abtract ou un titre prometteur pour constater que, finalement, le texte n’offre pas ce qui est promis. A éviter absolument!)

Bref : aidez votre lecteur à trouver rapidement ce qu’il cherche.

Votre lecteur-cible a peu de temps

Tout comme vous, votre lecteur-cible est une personne très occupée, avec beaucoup de choses à faire – dont beaucoup occupent son esprit. Et c’est – comme vous – une personne pressée qui n’a pas envie de relire la même phrase dix fois pour la comprendre.

Le papier est patient, mais le lecteur ne l’est pas.

Joseph Jourbert

Aussi, aidez votre lecteur à reconnaître ce qui dans votre texte est important :

  1. concentrez-vous sur l’essentiel – laissez de côté le superflu.
  2. Allégez votre texte, élaguez-le pour rendre vivantes et accessibles vos idées principales.
  3. Bannissez les formules sophistiquées, les phrases trop longues, les imbrications de propositions relatives – qui, difficiles à lire, sont aussi difficiles à construire.
  4. En anglais, une règle pour bien écrire stipule : kill your darlings – tuez vos chéris : autrement dit : supprimez ces tournures qui vous plaisent tant mais qui sont inutiles – voire gênent la lecture.
  5. Souvenez-vous que la concision est le produit de filtrage – et le filtrage prend du temps : prenez le temps nécessaire pour éliminer le superflu.

Rappelez-vous que le lecteur d’un texte scientifique veut aller droit au but – comme vous.

Votre lecteur-cible a besoin d’orientation

Pour peu que votre lecteur soit un lecteur efficace, il survolera votre texte avant de le lire. Ce survol lui donnera une première impression du texte. Si elle est bonne, alors il s’intéressera aux détails.

Aidez-le à y repérer ce qui est important grâce à une structure claire :

  1. donnez à vos parties des titres parlants qui montrent au premier regard de quoi elles traitent.
  2. Si vous utilisez des visuels, qu’ils servent – aussi – à montrer les éléments importants de votre texte.
  3. Et, si vous utilisez des visuels, souvenez-vous que, quand on regarde un visuel, on lit généralement aussitôt la légende : écrivez des légendes parlantes.

Bref, imaginez un lecteur qui visualise le texte avant de le lire, comme vous visualisez un territoire avec Google Earth avant de zoomer sur ce qui vous intéresse : que doit-il repérer du premier coup d’œil?

Votre lecteur-cible veut savoir où le menez

Si vous avez corrigé des copies, vous savez combien c’est pénible de lire un texte dont l’auteur, visiblement, a perdu de vue son objectif (voire n’en a jamais eu).

Le pilote, c’est vous ! Montrez à votre lecteur que vous savez où vous allez – et donc où vous le menez.

  1. Présentez l’objectif de votre texte dans une phrase claire et compréhensible à première vue.
  2. Présentez cet objectif en montrant que vous avez l’intention de l’atteindre : halte à cette fausse modestie académique qui vous fait écrire des  cette thèse est une tentative ou nous essayons ici deN’essayez pas. Faites! Plutôt que : cette thèse est une tentative, dites par exemple : cette thèse vise à – ou plutôt que nous essayons ici de, dites : notre objectif est de.

Imaginez quelqu’un qui embarque dans votre avion : il vous fait confiance. Montrez-lui que vous en êtes digne en sachant où vous le conduisez.

Votre lecteur est parfois distrait

Tout d’bord, il se peut que votre lecteur ne lise pas tout le texte. Ou, s’il le lit, il se peut que le niveau de sa concentration fluctue pendant qu’il vous lit, même si votre texte l’intéresse. Il se peut aussi qu’il soit interrompu dans sa lecture, parfois pendant plusieurs jours.

Aussi, aidez-le à retrouver le fil rapidement grâce à des points de repère :

  1. Annoncez en début de partie son point de départ et son point d’arrivée.
  2. Finissez-la avec une synthèse.
  3. Faites le lien avec le début de la partie en question.

Bref, demandez-vous : que doit retenir le lecteur pour comprendre la suite?

Votre lecteur-cible a besoin d’un fil directeur

Ne commettez pas l’erreur de beaucoup, qui ne savent pas quel est leur fil directeur : ça se remarque tout de suite tant le propos manque de cohérence.

Ne commettez pas l’erreur de beaucoup d’autres, qui dissimulent entre les lignes leur fil directeur : le fil directeur d’un texte scientifique doit se voir – on l’appelle d’ailleurs aussi le fil rouge.

  1. Faites voir votre fil directeur.
  2. Montrez que votre texte n’est pas un patchwork d’idées, mais que toutes les parties sont reliées entre elles par un fil directeur.
  3. Vérifiez que chaque partie et sous-partie est nécessaire et logiquement reliée à votre fil directeur.

Ce faisant, vous pourrez vérifier la cohérence de votre texte – et éviter les digressions ou les éléments superflus.

Votre lecteur est doué d’imagination

Certes, vous partagez un certain nombre de choses avec votre lecteur – mais pas tout : pendant qu’il lit, sa sensibilité, son imagination, ses préjugés peuvent lui jouer des tours – et vous jouer des tours également.

Aussi, soyez aussi explicite que possible.

  1. Evitez l’implicite, les métaphores,  les sous-entendus, les mots vagues – car l’implicite peut donner lieu à des malentendus.
  2. Méfiez-vous de certains adjectifs qui expriment davantage un ressenti qu’une information accessible au lecteur : par exemple, au lieu de d’écrire « une nouvelle méthode », dites en quoi consiste la nouveauté.
  3. Traquez les très et les very, qui expriment un ressenti, mais aucune information.
  4. Quantifiez au lieu de qualifier : au lieu d’écrire « la majorité », donnez un chiffre ou un ordre de grandeur (si vous n’en avez pas… sur quoi vous basez-vous pour affirmer qu’il s’agit de la majorité?).
  5. Evitez les points de suspensions longs de sous-entendus impliquant que le lecteur complète votre idée (vous savez ce que je veux dire …).

L’implicite peut donner lieu aux malentendus. Si on ne peut jamais s’en préserver totalement, les réduire autant que possible est salutaire pour votre texte – et pour vous.

Votre lecteur-cible attend des conclusions

Il vous est peut-être déjà arrivé de lire un livre ou un article et de vous demander, à la fin : et alors ? L’auteur s’est éclipsé sans vous avoir délivré la clé du mystère. C’est frustrant – pour le moins.

N’abandonnez jamais votre lecteur avec la question et alors ? Autrement dit : achevez votre travail – votre travail n’est achevé que quand vous avez tiré une conclusion.

Pour mémoire : une conclusion n’est pas qu’un résumé. Si le résumé est un bon premier pas, il ne remplace pas la conclusion. Celle-ci s’appuie sur le résumé pour aller plus loin.

  1. Rédigez une conclusion qui réponde à la question et alors ?
  2. Bouclez la boucle en répondant à la question de départ – après l’avoir rappelée.
  3. Profitez de l’occasion pour renforcer la thèse ou l’argument central de votre texte.
  4. Profitez également de la conclusion pour mettre en valeur l’importance de votre travail en en montrant les implications au regard du problème posé au départ.
  5. Montrez aussi que votre travail peut aussi ouvrir sur des pistes de recherches possibles (qui montrent comment rebondir sur vos découvertes, même si ce sont des résultats négatifs.
  6. Bref, rédigez une conclusion qui clôt le texte en faisant le lien entre l’ensemble de ses éléments.

Saviez-vous qu’un lecteur expérimenté commence généralement sa lecture par la conclusion? Si celle-ci est bien faite, alors il lira le reste. Si en revanche elle est ratée, il risque d’abandonner sa lecture à ce stade.

Aussi : prenez du temps pour rédiger soigneusement votre conclusion!

La rédaction se prépare en amont

Pour conclure, prenez le temps de concevoir votre texte en fonction de votre lecteur-cible. Evitez de faire ce que font beaucoup, qui se lancent dans la rédaction à corps perdu sans réfléchir au préalable au destinataire de leur texte.

Distinguez-vous de cette masse de Gégé qui écrivent pour s’entendre parler, sans jamais prendre en compte qu’à l’autre bout du texte, il y a un humain – et que cet humain attend d’apprendre quelque chose de sa lecture.

Votre lecteur a décidé de vous consacrer du temps. Honorez l’intérêt qu’il vous porte en lui montrant que vous écrivez pour lui.

Différenciez-vous de la masse de ces gens qui pensent qu’il suffit de mal écrire pour faire intelligent : ça marche quand on a affaire à des lecteurs débutants, mais un lecteur expérimenté sait faire la différence entre le bluff et la profondeur.

Ce qui est difficile, ce n’est pas de dire de manière compliquée ce qui est simple. Au contraire, ce qui est difficile – et c’est tout l’art du bien écrire – c’est expliquer de manière claire et compréhensible ce qui est complexe.

Mais écrire de manière claire et compréhensible n’est pas seulement un service rendu au lecteur. C’est aussi un service que vous vous rendez à vous-même. Car alors vous pouvez vous assurer que vous comprenez bien ce dont vous parlez. Ce qui va renforcer votre confiance en vous-même.

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  1. Merci beaucoup car cet article m’aide beaucoup dans le cadre de la rédaction de mes contenus éditoriaux sur mes pages.

  2. Bonjour Martha, merci pour cet article intéressant qui me fait prendre conscience qu’effectivement je peux améliorer mon style. Jusqu’à présent, je n’ai jamais travaillé la lisibilité de mes textes en terme de longueur de phrase comme tu me l’as déjà suggéré … pensant qu’après tout, c’est mon style ! Mais en faisant cela, je ne pense pas à faciliter la lecture de mon futur lecteur. Merci de ce rappel 😉

  3. An interesting discussion is worth comment. I do believe that you should write more on this topic, it might not become a taboo subject but typically persons are inadequate to communicate in on such topics. Yet another. Cheers

  4. Merci pour ces conseils utiles, qui permettent de modifier un article qui a du mal à être accepté.

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