Lire la littérature scientifique – 7 principes de base pour réussir vos lectures

Sans stratégie, lire la littérature scientifique quand on prépare une thèse peut vite devenir un calvaire. Découvrez sept principes de base qui vous aideront à maîtriser vos lectures.

Quand Gertrude lit la littérature scientifique

La peur de manquer une information importante

Gertrude, en 1ère année de thèse, lit chaque texte du début jusqu’à la fin.

Elle surligne, je la cite, « tout ce qui est important » – autant dire que 90% de la page est colorié.

Elle avance lentement, car ce qu’elle lit l’ennuie : aucun lien avec son sujet de recherche.

Mais le titre était prometteur, et comme elle a peur de passer à côté d’une information importante, elle lit tout – enfin, elle essaie.

Car, comme elle s’ennuie, son esprit vagabonde pendant que ses yeux se déplacent sur le papier.

Alors elle doit revenir en arrière, relire un passage plusieurs fois pour, finalement, constater qu’il ne dit rien d’intéressant pour elle.

Lire un article de 30 pages peut durer une semaine.

Au vu de la quantité de littérature scientifique sur son sujet, Gertrude se demande comment elle va un jour pouvoir rédiger un texte de 200 pages à partir de ses lectures.

Des notes de lecture : un copié-collé de phrases intéressantes

D’autre part, il lui semble ne pas retenir grand’chose de ses lectures.

Certes, elle prend des notes.

Ou plus précisément, elle fait du copier-coller de phrases, je la cite, « intéressantes ».

Ce qu’ « intéressant » veut dire, elle ne le sait pas – mais c’est intéressant, et donc à conserver.

Dans deux ans, lorsqu’elle se mettra à rédiger sa thèse, il y a fort à parier que ces phrases « intéressantes », hors contexte, ne lui diront rien.

Et qu’elle sera alors obligée de relire l’article – pour, finalement, constater que ces phrases ne sont pas intéressantes du tout.

Une compression en guise de résumé

Comment résumer un texte?

Gertrude ne voit pas trop comment faire.

Tout dans le texte lui semble important.

Et donc elle peine à extraire les idées principales du texte.

Pour gagner du temps ( ?), Gertrude a une astuce :

▶️ copier-coller un paragraphe,

▶️en supprimer tout ce qui est superflu – des mots, des phrases.

▶️ relier entre elles les bribes de texte

▶️️ confier à Chat GPT d’en faire un texte cohérent.

Résumé vs compression - littérature scientifique

Or, outre le fait que ce procédé est chronophage, le résultat n’est pas un résumé : car l’essentiel ne se retrouve pas dans des bribes de phrases copiées-collées.

Que faire d’un résumé qui ne restitue pas l’essentiel du texte?

Une pensée bloquée par les textes

Quant à prendre du recul, avoir une lecture critique, la pauvre Gertrude en est incapable : comment avoir une lecture critique quand on ne comprend pas le texte ?

A part je suis d’accord ou pas d’accord, elle n’a rien à dire.

Elle se sent stupide face à tous ces textes écrits dans un style hermétique.

Pire : ils la terrorisent.

Elle en éprouve parfois une boule dans la gorge.

Même sa respiration est affectée.

C’est comme si sa capacité à penser était bloquée dès qu’elle ouvre un article.

Comment, dès lors, prendre plaisir à préparer une thèse sur un sujet qui, pourtant, la passionne ?

Lire la littérature scientifique ne s’improvise pas.

Les techniques de lecture apprises au lycée n’y préparent pas.

Comment se fait-il qu’on n’enseigne pas des stratégies de lecture à l’université ?

Pourtant, il en existe !

Quelques principes de base pour traiter la littérature scientifique

Voici quelques principes que j’aurais beaucoup aimé connaître lorsque j’ai commencé ma thèse.

Définissez vos besoins

Tout, dans la littérature scientifique sur votre sujet, n’est pas utile pour vos besoins.

Il faut donc avant tout savoir de quoi vous avez besoin.

En définissant vos besoins, vous pourrez déjà écarter d’emblée beaucoup de textes.

En revanche, si vous ne définissez pas vos besoins en amont de votre lecture, tout est « important », tout est « intéressant »… et vous vous retrouvez avec une quantité de matériel ingérable.

Vous imaginez bien que ce qui sera « important » ou « intéressant » sera différent si j’ai besoin de me faire une vision d’ensemble des méthodes existantes ou si j’ai besoin de connaître dans le détail une méthode donnée pour pouvoir l’utiliser.

Trouvez dans le texte ce dont vous avez besoin.

Et, si vous n’avez pas de besoin… alors ne perdez pas de temps à lire le ce texte!

Pas plus qu’il ne s’écrit de manière linéaire du début jusqu’à la fin, un texte scientifique ne se lit du début jusqu’à la fin.

Il se lit en fonction de vos besoins. A quoi bon vous encombrer de détails techniques si votre besoin du moment est de vous faire une idée générale des méthodes existantes ?

Si vous surlignez, faites-le avec méthode

Evitez de surligner ou de souligner à première lecture ce qui vous semble important.

Comment voulez-vous juger de ce qui est important sans avoir une vision d’ensemble du texte ?

Ce qui semble important à première lecture c’est, souvent, ce qui est nouveau – un mot, un détail, une information.

Or en le surlignant, on aide la mémoire visuelle à s’en souvenir.

Par conséquent, quand on surligne surtout ce qui est nouveau, et qui relève de l’ordre du détail, on aide la mémoire à retenir les détails – et pas les idées principales.

Or, comprendre et retenir les détails est chose ardue, voire impossible, si on n’a pas compris et retenu les ides principales.

Donc au lieu se vous aider, surligner ce qui semble important à première lecture conduit surtout à stocker en mémoire un gruyère, où les trous constituent les idées principales.

Autant dire que le travail de compréhension et de mémorisation sera nul.

D’abord les idées principales, ensuite les détails.

Si vous avez besoin de surligner, alors surlignez les idées principales.

Certes, dans la littérature scientifique, on trouve des textes clairement structurés, avec des idées principales mises en exergue – dans d’autres, il faut les chercher.

Si vous décidez de lire des textes mal ou pas structurés, vous avez d’autant plus intérêt à repérer les idées principales avant de vous concentrer sur les détails.

Sinon, vous allez vous perdre dans le chaos des idées de l’auteur.

Identifiez les idées principales

Dans un texte, toutes les idées n’ont pas le même poids : il y a des idées principales, des idées secondaires, etc.

Le problème de beaucoup de chercheurs débutants, c’est qu’ils se focalisent immédiatement sur les détails, avant même d’avoir saisi les idées principales.

Or comment voulez-vous comprendre les détails si vous ne comprenez pas, d’abord, la structure générale?

En outre, quand on débute une thèse, on a rarement besoin de comprendre immédiatement les détails.

On a d’abord besoin de se faire une idée générale du sujet, d’en comprendre les grandes lignes – et, dans un texte, de comprendre, d’abord, les idées principales.

Mais quand on ne voit que les détails, la tendance est alors de vouloir les comprendre.

On cherche d’autres textes dont on espère qu’il vous expliqueront les détails.

Alors qu’on n’a pas besoin de ces détails.

On a juste besoin de comprendre les grandes lignes.

Vous voyez maintenant pourquoi il est indispensable d’être au clair sur ses besoins avant de lire un texte ?

Lisez la littérature scientifique crayon en main

Lorsque vous lisez, vous faites forcément des liens avec d’autres lectures, d’autres idées stockées dans votre mémoire.

Vous vous posez peut-être des questions, des commentaires vous viennent à l’esprit.

Tout ce travail de connexion est concomitant à la lecture.

Beaucoup de gens refusent d’écrire ces idées pendant qu’ils lisent au prétexte que ça distrairait leur lecture.

Résultat : ces idées parasitent leur esprit et les empêchent de se concentrer.

D’autre part, une lecture peut parfois susciter un bouillonnement d’idées.

Décider de les mettre sur papier plus tard, une fois la lecture finie, c’est vous condamner à les perdre.

En effet, si vous revenez sur le texte plus tard, si vous relisez le passage qui a déclenché ce bouillonnement, souvent vous ne comprenez pas ce qui l’a déclenché.

Ce qui l’a déclenché, ça a été, à un moment donné, une connexion qui s’est opérée dans votre cerveau – et cette connexion s’est faite de manière fugace, voire fulgurante.

Si vous ne prenez pas le temps de la mettre sur papier ici et maintenant, elle se perd, car entretemps d’autres se sont faites sur d’autres idées.

Le fait d’écrire ce que vous inspire le texte peut aussi débloquer une pensée paralysée par un texte difficile à comprendre.

Récapitulez les grands lignes

Pour vous assurer d’avoir bien compris le texte, il faut  en récapituler les grandes idées.

Prenez le temps de résumer l’essentiel avec vos propres mots.

Attention : résumer n’est pas comprimer.

Résumer n’est pas recopier le texte pour en retirer l’original.

C’est en restituer l’essentiel avec vos propres mots.

Résumer un texte avec vos propres mots présente au moins quatre avantages :

  • Vous vous assurez d’avoir bien compris le texte. Si en tentant de récapituler vous constater qu’il vous manque un élément, qu’il y a une contradiction dans votre texte, c’est sans doute que vous avez manqué un détail. Il est plus facile alors de repérer l’erreur et de la corriger dans votre texte.
  • Vous vous l’appropriez. En effet, dès lors que vous résumez le texte avec vos propres mots, vous vérifiez que vous l’avez bien compris. Vous sélectionnez les informations les plus pertinentes et laissez de côté le superflu.
  • Vous le retenez mieux : en effet, pour qu’un contenu soit mémorisé, il faut qu’il passe par votre corps : soit que vous le récapituliez oralement, soit en le dessinant, ou en l’écrivant. Mais il doit passer par vous. Si vous vous limitez à surligner, souligner, copier-coller, vous n’en retiendrez pas grand’chose, et pas longtemps.
  • Et puis, souvenez-vous que vous lisez des textes en vue d’écrire une thèse et des articles. Un résumé avec vos propres mots pourra être mobilisé dans vos écrits plus facilement que si vous n’avez que des bribes de texte, copiées-collées, isolées de leur contexte.

Structurez vos notes de lecture

Rien de pire, lorsque vous voulez rédiger votre thèse ou un article, que de constater que les notes de lectures sont inexploitables – et de devoir alors tout relire pour trouver ce qu’il vous faut.

Vous avez besoin de structurer vos notes de lecture.

Ainsi, lorsque vous chercherez un élément donné, vos yeux sauront immédiatement où le chercher.

Dans cet article, je vous explique comment prendre des notes – vous pouvez également regarder cette vidéo.

Il faut notamment faire attention à séparer distinctement :

  • le discours direct de l’auteur – ce sont des citations.
  • Le discours de l’auteur reformulé par vous.
  • Vos propres commentaires.

Pourquoi les séparer distinctement ?

Vous vous êtes peut-être déjà demandé, en lisant un texte : qui parle ? Est-ce l’auteur du texte ? Ou bien est-il en train de prêter sa plume à un autre ? Ou bien est-ce cet autre qui s’exprime – mais on aurait oublié de mettre des guillemets ?

Ce problème est souvent, entre autres, dû à une mauvaise prise de notes.

Si vous ne distinguez pas clairement ces voix dans vos notes, il y a fort à parier que vous reprendrez vos notes en répétant la même erreur dans vos écrits.

Dans cette vidéo, je vous explique comment structurer vos notes de lecture et éviter le problème du qui parle? dans vos propres écrits.

C’est vrai que prendre des notes de manière structurée prend du temps.

Et pourtant, c’est un véritable investissement.

Un investissement dont vous vous féliciterez le jour où vous aurez à rédiger votre thèse et vos articles.

Rien de pire, quand on rédige, de devoir relire un article simplement parce que les notes de lecture sont inexploitables car mal prises.

Ne vous laissez pas impressionner par un style hermétique

Dans la littérature scientifique, on trouve quelques textes bien écrits. Et beaucoup d’autres.

Or, pour qu’un texte soit compris, il faut que quelqu’un fasse des efforts :

  • ou bien c’est l’auteur qui travaille sur son texte jusqu’à ce que les idées soient clairement exposées.
  • Ou bien c’est au lecteur de faire le travail de structuration des idées pour essayer de le comprendre.

A vous de décider si un vous voulez sacrifier votre temps à essayer de comprendre un texte mal écrit.

En tous les cas, ne croyez surtout pas que, si vous ne comprenez pas un texte, c’est forcément parce que vous n’êtes assez intelligent.

Dans la littérature scientifique, beaucoup de textes sont rédigés par des gens qui n’ont pas appris les techniques de rédaction.

D’autres s’imaginent qu’écrire mal est de mise.

D’autres enfin bluffent, cultivant un style abscons en se disant que que si les gens de les comprennent pas, ils les admireront – ça marche parfois, mais pas toujours.

Il est tellement plus facile de complexifier ce qui est clair que de rendre clair ce qui est complexe!

Bref, lorsque vous devez lire de la littérature scientifique, souvenez-vous que les textes hermétiques, indigestes posent au moins deux problèmes :

  • Leur lecture est chronophage.
  • Leur style pourrait bien déteindre sur le vôtre. Car quand on lit beaucoup de textes, on finit par intégrer un certain langage et le faire sien. Votre objectif est-il de produire des textes que personne ne comprend?

Pour conclure : la littérature scientifique nourrit votre thèse – traitez-la bien!

Lire de la littérature scientifique est indispensable quand on prépare une thèse.

Mais il ne faut pas tout lire.

Il est indispensable d’avoir une lecture sélective.

Il faut aussi savoir prendre des notes en vue de la rédaction.

Des notes intelligibles exploitables lorsqu’on rédigera.

Car c’est en grande partie – voire entièrement – sur la base de vos lectures – plus précisément des notes que vous aurez prises – que vous rédigerez votre thèse.

En thèse, lire et écrire vont de pair : une thèse s’écrit sur la base de textes.

Or nombre de difficultés rencontrées lors de la rédaction de la thèse sont dues à un manque de stratégie de lecture.

Donnez de bonnes bases à votre rédaction avec des notes de lecture substantielles!

Pour aller plus loin

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