Soutenance de thèse : le bon état d’esprit

Vous appréhendez la soutenance. Vous avez peur de ne pas savoir répondre. Vous avez conscience de tout ce que vous ne savez pas. Vous craignez les critiques du jury. Vous redoutez de vous faire « casser » en public. Cet article vous explique dans quel état d’esprit aborder la soutenance.

Vous n’êtes plus un étudiant

La soutenance approche, ou bien vous vous y projetez déjà en rédigeant votre thèse.

Vous imaginez toutes les objections qu’on va vous faire, toutes les lacunes qu’on va agiter sous votre nez, vous vous dites qu’on va s’apercevoir que vous n’êtes pas à la hauteur…

Ces craintes sont légitimes. La soutenance de thèse est un moment particulier dans la vie : celui où trois, quatre, cinq années de recherche assidue vont trouver leur achèvement.

Ces craintes vous assaillent, vous empêchent de réfléchir à tête reposée.

Dites-vous bien que vous avez travaillé pendant 3 ans, 4 ans, voire plus, sur votre sujet. Peut-être n’avez-vous pas aussi bien travaillé que vous l’auriez voulu. Peut-être n’avez-vous pas lu tous les textes comme vous l’auriez souhaité. Il y en a d’ailleurs que vous n’avez pas eu le temps de lire entièrement.

Peut-être avez-vous rédigé sous pression.

Peut-être votre texte n’a-t-il pas la perfection dont vous rêviez.

Mais vous avez quand même travaillé, beaucoup travaillé. Vous en savez beaucoup sur votre sujet. Vous avez même un degré d’expertise sur le sujet que vous n’aviez pas il y a trois ans, lorsque vous aviez commencé.

Certes, vous ne savez tout – mais qui a dit que votre savoir devait être universel ?

Il ne saurait exister pour la science de vérité acquise. Le savant n’est pas l’homme qui fournit les vraies réponses; c’est celui qui fournit les vraies questions.

Claude Lévy Strauss

Vous êtes qualifié pour soutenir votre thèse. Dans deux heures, trois heures, vous allez recevoir votre titre de Docteur. Votre expertise sur le sujet va être reconnue publiquement, scientifiquement, légalement.

Alors, si vous n’avez pas encore changé d’état d’esprit, c’est le moment : lorsque vous vous présentez à la soutenance de votre thèse, ce n’est pas en qualité d’étudiant dont les connaissances vont être examinées. C’est en tant qu’expert – un expert avec lequel d’autres experts vont s’entretenir.

Mieux : ils vont s’entretenir avec vous sur un sujet que vous maîtrisez, puisque vous avez même publié des articles et rédigé un gros ouvrage – votre thèse – dessus.

Donc, encore une fois : mettez-vous bien dans la tête que vous n’êtes plus un étudiant. Vous êtes un expert.

Le jury n’a pas pour but de vous démolir

Le jury va me demander pourquoi j’ai fait ceci… Le jury va me casser si j’écris cela…. Le jury va me critiquer parce que je dis ça… Voilà ce que je me disais quand je rédigeais ma thèse. Voilà ce que j’entends régulièrement de la bouche des doctorants que je rencontre.

Votre jury est constitué de professeurs, généralement des personnes très occupées. Certains sont venus de loin pour participer à votre soutenance. Croyez-vous vraiment qu’ils aient fait le déplacement dans le seul but de vous « casser » ?

Tout d’abord, il faut bien être conscient que votre jury est constitué d’anciens doctorants : ils sont tous passés par ce que vous êtes en train de vivre. Tous ont eu le trac lors de leur soutenance, tous ont eu des angoisses, tous ont eu des moments de doute.

Aussi, ayez la certitude qu’ils comprennent votre situation. Qu’ils ont de l’empathie pour vous.

Une soutenance de thèse, c’est toujours un moment d’émotions intenses. Les membres du jury comprendront donc votre trac, vos émois, vos hésitations. Ils sauront les interpréter comme autant de manifestations de ce qui vous traverse, et non (ce que vous pourriez croire) comme une preuve de votre incompétence.

D’un autre côté, les membres de votre jury sont tous collègues. Soyez bien certain qu’aucun ne veut perdre la face devant les autres. Ils ont un rang à tenir, une réputation à cultiver, une image à préserver. Ils vous traiteront donc avec respect.

Vous n’êtes plus un étudiant. Vous êtes un expert.

La soutenance n’est pas un examen

La soutenance de thèse n’est pas un contrôle de connaissances. Votre jury ne sacrifie pas une demi-journée, voire plus, pour vérifier ce que vous savez.

Il vient pour vous écouter. Pour écouter ce que vous avez à dire. Parce que ce vous avez quelque chose d’intéressant à dire, quelque chose de neuf, quelque chose de frais.

Votre soutenance va être l’occasion de vous entretenir sur votre sujet avec des personnes cultivées, curieuses, désireuses de vous connaitre et d’en savoir plus sur votre travail.

Vous allez vous livrer à des discussions qui vont vous amener à approfondir, à explorer, à réfléchir sur votre travail.

Vous allez prendre de la hauteur. Et ce à différents titres :

  • vous allez revêtir – si ce n’est déjà fait – le costume d’un expert et serez reconnu comme tel – la preuve : dans quelques heures, vous allez vous voir délivrer votre titre de Docteur.
  • vous allez considérer votre travail avec de la distance, à travers d’autres prismes – ceux que vous proposeront les membres du jury.
  • vous allez vous nourrir de leurs réflexions pour alimenter votre pensée.

Pouvez-vous imaginer la situation? Vous êtes un expert avec lequel des professeurs de renom sont venus s’entretenir. Vous avez grandi. Intellectuellement, scientifiquement, personnellement.

Si vous n’arrivez pas à voir la situation, lisez l’article Réussir la soutenance de thèse : faites jouer votre imagination!

Car vous n’êtes plus un étudiant : vous êtes un expert.

La soutenance n’est pas un tribunal

Votre jury ne fait pas le déplacement pour vous juger, prononcer un verdict ou vous condamner.

Certes, tout le monde ne sera pas forcément d’accord avec tout. Heureusement, d’ailleurs, sinon la soutenance serait une simple formalité, un échange creux et inintéressant.

Or une soutenance est l’occasion d’un échange intellectuel et scientifique souvent passionnant. Et – contrairement à ce que vous pourriez craindre – vous avez le niveau pour le nourrir.

Vous avez fait des découvertes, vous avez tiré des conclusions, vous les avez fondées scientifiquement. Elles expriment votre point de vue, elles n’ont cependant pas vocation à être universelles ni absolues.

Votre thèse est d’autant plus intéressante qu’elle va ouvrir sur un débat. Qu’elle pose de nouvelles questions, ouvre sur de nouvelles discussions, propose de nouvelles pistes de réflexion.  

Bien sûr qu’elle a des limites, des imperfections, et qu’elles seront soulignées – il faut bien que les membres du jury appliquent les standards académiques qu’exige l’université. Mais ce ne sont pas ces critiques qui constitueront le coeur de votre soutenance.

Et plutôt que de les vivre comme des reproches ou une mise en exergue de vos lacunes, considérez-les comme des informations pour une amélioration de vos futurs travaux.

Surtout ne réagissez pas en vous confondant en excuses comme un étudiant pris en flagrant délit d’ignorance : votre jury, encore une fois, ne vient pas examiner vos connaissances ni pour vous condamner.

Vous n’êtes plus un étudiant : vous êtes un expert.

Les questions ne sont pas un contrôle de connaissances

Si on vous pose des questions, ce n’est pas pour vérifier vos connaissances, mais par intérêt pour votre travail.  

Aussi, si un membre du jury vous pose une question, ce n’est pas parce qu’il connait la réponse et veut vous tendre un piège; c’est plutôt parce que lui même se la pose. 

Si vous avez la réponse, bien sûr, donnez-la.

Si vous n’en avez pas, nul besoin de vous excuser. Gardez bien présent à l’esprit que même un expert n’a pas un savoir universel.

Si on vous pose une question à laquelle vous ne savez pas répondre, répondez comme l’expert que vous êtes et qui n’a pas réponse à tout. Par exemple : je ne sais pas, mais je peux imaginer que …, par ce que …

Vous avez tout à fait le droit de répondre en élaborant des hypothèses, en posant de nouvelles questions, en proposant des pistes à explorer.

Ce faisant, vous montrez votre capacité à mener une réflexion de scientifique – ce que vous êtes. Et vous montrez aussi que, face à une question dont vous ignorez la réponse, vous savez garder la tête froide pour l’examiner.

Les questions qu’on vous pose sont autant d’occasions pour montrer non seulement vos connaissances, mais surtout vos qualités de scientifique : votre capacité à prendre de la hauteur, du recul, pour examiner une question sous un angle nouveau – ou pour explorer une nouvelles question.

Car, pour reprendre l’idée de Claude Lévy-Strauss, l’expert est celui qui sait poser les bonnes questions, pas celui qui a réponse à tout.

Alors, changez d’état d’esprit : vous n’êtes plus un étudiant, vous êtes un expert!

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  1. Merci pour cet article. Au-delà de son caractère éducatif, cet article a aussi une résonance psychique. Il m’a permis de « désactiver » ma peur et de prendre plus de hauteur à travers cette belle phrase de l’auteur : « je ne suis plus un étudiant je suis un expert ».

    1. Merci Ishola, c’est tout l’objectif de cet article : prendre de la hauteur! C’est vraiment une question d’état d’esprit.

  2. Merci pour cet article. Il tombe à point : ma soutenance est dans 2 jours. Votre article est un bienfait indéniable et a presque neutralisé mon stress. Merci encore.

    1. Oh, quelle belle coïncidence, Nassim! A l’heure qu’il est, vous voilà Docteur : toutes mes félicitations!

  3. Merci pour votre article, Martha. Il est vraiment très intéressant.
    Je vis en ce moment même cette période entre le dépôt de la thèse et la soutenance.
    Elle est pour moi haute en tensions, stress et remises en question, comme peut-être beaucoup d’autres doctorants.

    1. Toutes mes félicitations, Amandine! Je suis heureuse de lire que vous avez terminé votre thèse. Oui, la période entre le dépôt de thèse et celui de la soutenance est généralement riche en tensions. Quelques jours de vacances font du bien. Ils aident à lâcher prise et à prendre du recul.

  4. Cette manière de voir les choses ne s’applique pas seulement à la soutenance de thèse de doctorat mais aussi dans d’autre circonstance quant l’on se retrouve face à l’adversité.

    De fois le doctorant oublie que au moment de sa défense, il est la personne qui a plus récemment consacré beaucoup de temps en sa matière..

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