Debout! Lève-toi et rédige ta thèse!

Depuis l’école élémentaire, on nous apprend à travailler assis. On nous inculque que concentration rime avec immobilité. Or, des études récentes montrent l’impact positif de la position debout et du mouvement sur nos facultés intellectuelles. Et si vous rédigiez votre thèse debout?

La position assise rendrait-elle bête?

Marily Oppezzo et Daniel Schwartz, chercheurs à Stanford, comparent dans le Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, and Cognition les niveaux de créativité d’individus marchant et assis.

Dans l’ensemble, les niveaux de créativité étaient plus élevés pour ceux qui marchaient que pour ceux qui restaient assis. L’inspiration créatrice augmentait en moyenne de 60 % quand ils marchaient .

De plus, un deuxième test passé par les individus à nouveau assis, ceux qui avaient marché au préalable demeuraient plus créatifs que ceux restés assis.

Autrement dit, les effets positifs de la marche se poursuivaient même après qu’ils se soient assis à nouveau.

Il n’y a pas (à ma connaissance – mais si vous en connaissez, faites-le moi savoir s’il vous plait!) pour le moment de recherche expliquant comment la marche vous rendrait plus créatif.

On peut néanmoins penser que l’exercice augmentant le flux sanguin dans tout le corps, le cerveau est mieux irrigué.

Remarquons que, selon cette étude, si la marche stimule la créativité, en revanche l’environnement – bureau ou extérieur – ne semble pas avoir d’incidence décisive.

D’Aristote à Apple

Déjà les Anciens avaient compris l’importance du mouvement physique pour la pensée : Aristote, en 335 av. J.C., fondait le Lycée, où élèves et professeur devisaient en déambulant.

Plus près de nous, Steve Jobs exigeait que les réunions de travail chez Apple se fassent en déambulant.

Philip Roth travaillait debout et réfléchissait en marchant (selon ses dires, il marchait demi-mile, soit quelques 800 m, pour une page écrite).

Rédiger sa thèse debout

Ecrire debout était la posture favorite de plusieurs femmes et hommes de lettres, dont Victor Hugo, Fernando Pessoa, Virginia Woolf, Lewis Caroll.

Ma success story

Pour ma part j’ai découvert les bienfaits de la posture debout pour la rédaction dans un studio non meublé loué provisoirement.

Il n’y avait qu’un lit  et un bar. Celui-ci avait la hauteur idoine pour que les avant-bras forment un angle droit avec les bras quand j’écrivais sur le clavier posé sur la surface en faïence.

Ce qui devait être un pis aller s’est vite mué en révélation : j’ai conçu une nouvelle formation sur un nouveau sujet en quelques jours – alors que j’avais prévu un bon mois pour la préparer : dès que j’avais un blanc, au lieu de lancer des recherches, je me mettais à marcher dans la pièce.

Je croyais tourner en rond; en réalité, j’explorais de nouvelles pistes, et les idées coulaient, fluides.

Puis je revenais à mon texte. Et à nouveau, après quelques lignes, une nouvelle idée me traversait l’esprit et provoquait une nouvelle déambulation.

La vitesse à laquelle je progressais se conjuguait au plaisir que provoquait cette dynamique nouvelle pour moi.

Depuis, j’ai déménagé. Le premier meuble que j’ai acheté ? Un écritoire surélevé ou standing desk.

Rédiger sa thèse debout Grenier

Pourquoi rédiger sa thèse debout?

Le bureau debout est dans l’air du temps. C’est un bureau dont les pieds sont plus hauts, ce qui permet de travailler .

Six avantages de la posture debout

  1. Quand vous êtes debout, votre corps s’étire naturellement; la pression sur la colonne vertébrale diminue par rapport à celle que provoque la posture assise. Certaines personnes rapportent que leurs douleurs de dos s’atténuent, voire disparaissent lorsqu’elles travaillent debout une partie de la journée.
  2. Debout, il est difficile de somnoler : la vigilance est accrue.
  3. Debout, vous vous mettez en marche plus spontanément qu’en position assise. La pensées s’en voit dynamisée.
  4. Comme rester debout pendant des heures est astreignant, la tendance à la procrastination ou au perfectionnisme à outrance diminue : vous allez droit au but et vous concentrez sur l’essentiel.
  5. Dans une posture assise trop penchée vers l’avant, les organes sont comprimés et les poumons dans l’incapacité de se remplir totalement; alors que, lorsqu’on est debout, le torse étant droit, rien n’entrave les poumons et la respiration est plus libre ( d’où une meilleure vascularisation du cerveau, grand consommateur d’oxygène). 
  6. Faites le test! Comparez votre amplitude respiratoire en postures assise et debout :  asseyez-vous dans votre posture habituelle. Fermez les yeux pour une meilleure concentration et placez une main sur le nombril, l’autre sur la poitrine. Respirez normalement; quelle main se soulève? Laquelle reste immobile, ou presque? Et puis répétez l’expérience debout. Notez les différences constatées.
  7.  Les déplacements sont aussi bienfaisants pour les yeux : quand vous vous mettez en mouvement, vous détachez le regard de l’écran pour le porter au loin, ce qui relaxe les muscles oculaires (que la vision de près tend) et amplifie le champ visuel (la vision périphérique n’étant pas du tout sollicitée par un travail sur écran). L’amplification de votre champ peut avoir une incidence sur votre pensée : vous prenez physiquement du recul, et les choses se placent dans un contexte plus large.

Boostez votre intelligence!

Bien sûr, il ne s’agit pas de proscrire totalement la position assise, qui présente elle aussi de nombreux intérêts, au premier rang desquels le confort offert.

Mais il est bon de se rappeler que ce n’est pas la seule posture possible, quand bien même nos systèmes éducatifs et professionnels occidentaux tendraient à le faire croire.

D’ailleurs, si vous ne l’avez pas encore lu, je vous invite à lire l’article Comment prendre soin de votre dos?  à propos de la position assise.

Personnellement, j’aime travailler debout dans deux situations particulières :

  • quand je dois faire un schéma ou un plan : j’accroche une grande feuille de papier sur le mur. Tel un peintre, je m’approche, je recule pour avoir une vision plus globale, je reviens vers la feuille pour ajouter ou supprimer un élément. Ce sont des activités où une vision globale est nécessaire en même temps qu’une vision du détail. Cette alternance proche/lointain m’aide à vérifier qu’aucun élément ne manque et que tout est à la bonne place;
  • quand j’écris un premier jet : que j’écrive sur papier ou sur ordinateur, le fait d’être debout me fait bouger, marcher, regarder au loin. Le premier jet est une partie qui demande de la créativité, et je trouve que la position debout, et le mouvement qu’elle facilite,  la stimulent.

Debout aide à prendre position

Lors de mon dernier atelier d’écriture en présentiel, l’an dernier à Francfort, pendant une séance de rédaction, une participante s’est levée, a installé son ordinateur portable dans l’embrasure de la fenêtre (ces embrasures sont à 1,30 et larges d’un bon demi-mètre ).

Comme, dans mes formations, certains s’asseyent par terre pour écrire, d’autres dehors ou dans le couloir, je n’ai pas fait attention à elle particulièrement.

Mais lors de l’évaluation, elle a tenu à expliquer ce qui lui était arrivé : l’exercice était la rédaction d’un texte argumentatif. Or son argumentation se basait sur la critique d’un auteur qui la mettait en colère.

L’émotion était très forte. Elle avait ressenti le besoin de se lever pour écrire. Debout, je peux prendre position. Et je peux mieux affronter cet auteur avec lequel je ne suis pas du tout d’accord.

Depuis, j’ai fait le test plusieurs fois : en effet, quand on est assis, recroquevillé sur soi-même, prendre position, défendre ses idées, est plus difficile.

Quand en revanche on se lève, les pieds bien à plat sur le sol, dos droit, qu’on s’étire vers le haut, qu’on se laisse grandir… le corps – et l’esprit – s’anime d’une force jusque là souvent ignorée.

C’est quand on se sent grand qu’on a confiance en soi – pas quand on se sent petit.

Et c’est quand on a confiance en soi qu’on peut prendre position.

Or, quand on rédige une thèse, il faut savoir prendre position.

10 conseils pour tenir debout longtemps

Remarquons que, si vous avez l’habitude d’être tout le temps sur une chaise, il se peut que le passage à la position debout vous pose des problèmes. Voici quelques conseils pour le début :

  1. Commencez  par quelques minutes, de temps en temps Ne vous donnez pas pour but de tenir une heure immédiatement – sauf, évidemment, si vous vous sentez à l’aise. Si vous ressentez des douleurs, des tensions, il vaut mieux bouger ou vous asseoir.
  2. Prenez de bonnes chaussures (les talons aiguilles sont à proscrire), ou testez les pieds nus.
  3. Peut-être serez-vous plus à l’aise sur un tapis – essayez différentes textures, différentes épaisseurs avant d’investir dans quoi que ce soit. En tous cas, il faut que la plante des pieds puisse s’étaler en longueur et en largeur.
  4. Concentrez le poids du corps sur différentes parties du pied – les talons, les orteils le milieu du pied : dans laquelle vous sentez-vous le plus stable? Choisissez celle où vous vous sentez le mieux pour tenir debout.
  5. Evitez de croiser les jambes ou de vous tenir sur une seule jambe, l’autre étant repliée : vous créez des tensions dans le dos. Une posture debout stable et agréable requiert une répartition du poids équilibrée sur les deux pieds.
  6. Tendez et détendez les jambes pour identifier les muscles dont vous avez besoin pour tenir debout, et détendre ceux qui vous sont inutiles : il faut éviter de créer des tensions inutiles. Particulièrement la posture debout demande un bon équilibre.
  7. Choisissez la bonne hauteur – certains standing desks sont réglables.
  8. Le tronc est droit, les avant bras forment un angle droit avec le bras lorsque vous écrivez.
  9. Installez l’écran en face de vous afin d’éviter de tourner la tête.
  10. Placez votre écran à environ 60-70 cm de vos yeux s’il a 21 Zoll (53 cm) ou plus.

Pour finir…

Quand on fait une thèse, il est fondamental de se rappeler qu’on peut travailler autrement qu’assis.

La marche et la posture debout sont des alternatives à la posture assise qui demandent à être explorées. Chaque posture est différente, chacune a des avantages et des inconvénients.

Selon le jour, votre humeur, la tâche à réaliser, vous préfèrerez peut-être plutôt telle posture que telle autre. Expérimentez pour trouver ce qui vous convient le mieux pour une activité donnée.

Je vous souhaite beaucoup de plaisir à expérimenter la verticalité et le mouvement en rédigeant votre thèse (si vous ne les pratiquez pas déjà) !

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  1. C’est fou comme les apparences sont trompeuses, je me croyais tortue, et je me découvre lièvre!
    Merci pour cet article, très pertinent!

    1. Je trouve cette présentation très utile. Je me sentais angoissé par un fleuve de données que j’avais collecté deux ans durant, mais avec l’exposé de Martha, je vais quitter la page blanche pour passer à une étape suivante et décisive, celle de la rédaction de ma thèse.

      Merci beaucoup Martha pour ce coaching combien enrichissant et engageant.

      1. Je suis ravie de lire que ce coaching vous a autant aidé, Désiré! Tous mes voeux de succès! 🙂

  2. Merci beaucoup pour cet article, Martha! J’ai remarqué les bienfaits du fait de travailler debout en Terminale. Depuis, j’essayais de mettre cette pratique en place. J’ai construit récemment un grand bureau à ma hauteur. Malheureusement, cela n’est pas possible d’appliquer dans le laboratoire où je fais ma thèse. J’essaye donc de me débrouiller avec un ballon de pilates (adapté à ma taille, sinon cela risque de provoquer des douleurs) mais je n’arrive pas vraiment à retrouver les mêmes effets bénéfiques. J’espère que le standing desk (ou, en tout cas, les bureaux à taille modulable) vont être de plus en plus utilisés dans les Universités, les entreprises et autre.

  3. Merci Martha pour cet article. Il est vraiment intéressant. Je pense que je vais l’expérimenter. Merci aussi pour ton accompagne scientifique et psychologique des doctorants dans la cadre des différentes rédactions.

    Bonne suite.

  4. Merci Martha. J’avais essayé un temps de m’asseoir sur un ballon. En lisant votre article, je pense que je vais réessayer, tout en tentant également la troisième alternative de la position debout.

  5. de mon côté, étant TDA, il m’est impossible de travailler dans un parc ou en marchant, tout me déconcentre. Je suis au Canada, et chaque parc où l’on s’asseoit, on se retrouve avec une armée d’adorables écureuils qui viennent chercher de la nourriture 😀 mais travailler debout pendant quelques heures est très efficace, j’ai remarqué que cela calme beaucoup le stress! Merci beaucoup pour vos articles!

    1. Oh! Merci Béatrice! Je suis sûre que votre message sera bénéfique à de nombreuses personnes :)!

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